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La mémoire des musiciens déportés

mercredi 11 décembre 2013, par Jean François Boyer

Le pianiste italien Francesco Lotoro collecte les partitions écrites par des musiciens déportés dans les camps de la Seconde Guerre mondiale (ainsi qu’au Goulag). La musique acte de résistance ? Acte de domination ?

Un petit article parti d’une émission de France-Info et une heure plus tard avec quelques recherches sommaires sur le web, quelques éléments sur la musique et les camps...

  1. 1- La musique est un acte de résistance ?
    C’est en écoutant en 11 décembre 2013, une émission sur France - info que je me suis rappelé une photo prise dans le camp d’Auschwitz lors d’un voyage organisé par le mémorial de la shoah en janvier 2013. A l’entrée du camp 1, on trouve aussi sur une borne une image (un dessin, anonyme ) avec des prisonniers jouant de la musique face à des prisonniers partant au travail...

Cet article propose modestement quelques liens sur la musique dans les camps de concentration. Si certains souhaitent le compléter...il ne faut pas hésiter à envoyer un mail (voir contact).

Autre lien sur F.Lotoro :
http://www.youtube.com/watch?v=_OFaXbVJX4Q (en Anglais).

D.Natanson propose dans son site des éléments sur les musiciens :
http://d-d.natanson.pagesperso-orange.fr/musique.htm

  • 2- La musique est un moyen de domination totale.

Simon Laks (1901-1983) juif, arrêté, interné à Pithivier puis déporté à Auschwitz où ils jouera pour les Komandos, explique que la musique est aussi une torture.

"Primo Levi a comparé la musique à AUSCHWITZ à un maléfice…

Le témoignage de Simon Laks corrobore cette analyse

Simon Laks réfute, de façon définitive, la thèse selon laquelle la musique a été un moyen de résistance au sein du monde concentrationnaire.

Au contraire : elle a été, du côté nazi, un moyen de domination — un moyen de domination totale. La musique achève de faire disparaître, chez les détenus, toute volonté ; toute espérance. La musique aggrave, chez les détenus, la prostration physique, la prostration morale. Comme telle, la musique contribue, dans le camp, à la discipline. Comme telle, dans le camp, elle incite les détenus à la tâche — sans réflexion.

Au sein de cette folie, à AUSCHWITZ, Simon Laks a réussi à vivre grâce à la musique. Dans le camp de concentration, le musicien semble être un être privilégié — on le soigne assez bien : il a une utilité. Dans le camp de concentration, seule de tous les arts, la musique a donné une chance supplémentaire de vivre au musicien. Inutile, le poète ou le peintre périra en peu de temps — après deux ou trois mois tout au plus. Le musicien, au contraire, a plus de temps en face de soi… Dans le camp de concentration, il a, je le répète, une utilité.

De tous les arts, seule la musique a collaboré de si près au massacre de millions de personnes. Personne, jamais, ne lui enlèvera ça…

La proposition selon laquelle la musique est le moins idéologique de tous les arts, cette proposition est elle-même une proposition idéologique.

Je ne veux pas dire, ici, que toute musique soit mauvaise en son essence, que toute musique soit criminelle en son essence. Mais il y a là un problème dont nous devons prendre conscience, un problème dont nous devons prendre connaissance — si nous voulons nous en déprendre.

Le rôle de la musique à AUSCHWITZ révèle, en tout cas, l’essence de la vision nazie de la musique, tout comme AUSCHWITZ révèle, je crois, en un terrible passage à la limite, l’essence de toute la société nazie.

Dans le camp, toute morale a été abolie — on a brouillé tous les repères. Le bon est devenu le mauvais ; le mauvais est devenu le bon. Il règne là une espèce de loi naturelle — ou mieux : une espèce de loi de la jungle — une loi contraire à toutes les lois sociales, une loi contraire à toutes les lois humaines — une loi qui a comme seule règle la seule puissance, une loi qui a comme seule règle la lutte de tous contre tous — une lutte où gagne la brute — la bête brute. Le camp a déshumanisé les hommes — oui : le camp a déshumanisé tous les hommes : les bourreaux comme les détenus. Il a changé les hommes en bêtes… Il en a ôté toute libre volonté… Il en a ôté toute dignité… Dans le camp, on se débrouille, coûte que coûte — on se débrouille, dis-je, ou bien on cesse de vivre — bien vite. Il y a, à tous les niveaux, un terrible côté bricolage de tout ça — une irrationalité extrême — mais une irrationalité, hélas, si efficace…

Conçu de cette façon, AUSCHWITZ représente, il me semble, le modèle de toute la société nazi — poussé à sa limite. Oui : AUSCHWITZ révèle, il me semble, la vérité du régime nazi."
Propos de François Coadou que l’on retrouve sur le site : http://www.musicologie.org/publirem/coadou_02d.html
(F.Coadou : François Coadou est Professeur de Philosophie à l’Ecole Régionale des Beaux-Arts de Caen / Basse-Normandie. Il est aussi Chargé de Cours en Histoire des Sciences et en Epistémologie au Campus 2 de l’Université de Caen.).

A propos de la musique et des nazis, une analyse d’Alain Lambert à partir du livre de P.Quignart, la haine de la musique, Calmann Levy, 1996 :
http://www.musicologie.org/publirem/lambert_permiere_suite.html


Voir en ligne : La musique concentrationnaire, reportage d’Arte.